mercredi 24 février 2010

Fermeture du site

Pendant quelques mois, j'ai voulu croire que la démocratie pouvait être améliorée grâce au média Internet. Toutefois, la publication d'une trentaine d'articles sur le "média citoyen" Agoravox m'a suffi pour voir qu'il n'en était rien. Parce que la domination d'Internet entraîne une médiocratisation considérable du débat politique, je ferme définitivement cette Tribune, et je laisse Internet aux extrémistes de la pensée, ceux-là même qui ont si souvent critiqué sans arguments mes réflexions humanistes et socialistes.
S'il y a bien un problème qu'Internet ne peut régler, c'est précisément celui de son existence.
Puisse ce dernier article, le seul que je laisse aux regards des internautes, le seul qui compte dans ma dénonciation du "déclin de la civilisation", inciter hommes et femmes amis du véritable progrès à suivre mon chemin.
Au revoir.

Internet et le déclin de la civilisation


Sur l’importance des groupes de pression aux fins obscurantistes sur Internet

Depuis quelques mois, les articles que j’écris pour le média citoyen Agoravox sont systématiquement dénigrés par une horde d’extrémistes et de réactionnaires de tout poil, qui n’hésitent pas à les reproduire sans mon autorisation sur des blogs ou des forums avec lesquels je n’ai aucun contact, et avec lesquels je ne désire avoir aucun contact. Ils détournent alors mes propos de leur sens, de telle sorte qu’ils me font apparaître soit comme un droit-de-l’hommiste, soit comme un bien-pensant, soit comme un défenseur des minorités religieuses, ce qu’assurément je ne suis pas. De fait, j’ai à leurs yeux deux défauts : ma condition de jeune intellectuel et mes convictions républicaines.

Là où j’ai voulu porter à travers ma Tribune un message humaniste, multiculturaliste et progressiste, on m’a opposé une fin de non-recevoir ; on m’a appelé stalinien, immigrationniste, anarchiste, quand j’écrivais des articles athées, antiracistes et socialistes.
Là où j’ai voulu rencontrer les aspirations du peuple et les porter sur le devant de la scène, dénoncer les inégalités sociales et l’anéantissement de toutes les formes de la culture dues à l’américanisation accélérée de notre société, je me suis heurté à trois groupes de pression tout-puissants sur internet : le lobby antisioniste, le lobby islamophobe et le lobby obscurantiste (qu’il soit clérical ou islamiste, réactionnaire ou fascisant).

Ainsi, le responsable anonyme de "Chute finale", un des sites qui a critiqué mes articles, en faisant en réalité involontairement mon éloge par un rapprochement de mes réflexions avec celles des penseurs Grecs ("En se croyant novateur et révolutionnaire, Florentin Gastard ne fait que recycler les poncifs datant de milliers d’années. Même certains philosophes antiques avaient déjà les idées qu’il nous impose aujourd’hui") n’hésite pas à affirmer des conceptions franchement racistes, au XXIème siècle, en écrivant ceci :

"Pour une femme Blanche, se métisser avec un Arabe ou un Noir signifie des chances accrues pour l’enfant à naître d’avoir un QI moins élevé, des risques plus élevés de cancer, et une instabilité psychologique grave. Entre autres.
Nous devons en finir définitivement avec l’apologie du métissage. Il faut lui rentrer dedans, la ridiculiser, répondre à la pseudo-science par la science".

A l’opposé, d’autres sites louangeaient mes articles, mais pour de mauvaises raisons. Ainsi, le site "L’Islam en France" croyait voir en moi le protecteur de la religion musulmane (et allait jusqu’à sélectionner les morceaux de mes articles qui l’arrangeaient en faisant disparaître du même coup la véritable teneur de mes propos...) alors que je ne faisais que défendre la loi de 1905, qui assure aux individus le droit de pratiquer la religion qui leur convient dans la sphère privée.

J'ai d’abord voulu combattre sur le terrain des idées des adversaires coriaces, non par tant par leur discours -qu’il est facile de démonter- mais surtout par l’ampleur de leur ascendant sur les individus les plus influençables du pays, rassurés par le confort d’un système de pensée cohérent et fermé à la discussion, aussi absurde soit-il. Je n’ai cessé de décrédibiliser les arguments fallacieux de ces trois forces, en particulier à travers mes articles contre l’extrême droite : rien n’y a fait.
ll faut dire que je ne m’adressais pas à des citoyens mais à des pseudonymes ; mes paroles ne trouvaient en face d’elles que des phrases indifférenciées, émanant d’hommes, de femmes, d’enfants -que sais-je ?-, car des enfants aussi se laissent aller à de telles extrémités. J'étais le seul à défendre mes idées sous mon vrai nom, car j’ai l’intime conviction que tel doit être le comportement d’un être responsable.

Sur l’incongruité qu’il y a à penser qu’Internet est au service de l’intelligence

Mais, me direz-vous, comment ai-je pu croire que la démocratie, la vraie démocratie, - et non pas ce défouloir des instincts bestiaux et de la bêtise humaine, cette foire cathartique où l’on injurie à tout-va et en toute impunité - pouvait triompher grâce à cette invention dont on fait tant de cas, Internet ?
En réalité, je ne l’ai jamais cru : j’ai simplement voulu faire prendre conscience à mes lecteurs de l'impasse du modèle actuel de civilisation, tout en ayant conscience que le sens de l’Histoire, que nous imposent aujourd’hui les capitalistes américains, les technocrates européens et les informaticiens japonais, allait à l’encontre de la voix humaniste qui était la mienne. Devant le spectacle désastreux de l’aliénation des hommes, à l’époque de la "mondialisation malheureuse", j’ai voulu faire en sorte que l’"Homo economicus" redevienne un être humain à part entière : on ne m’a pas écouté.
Alors qui prétendrait aujourd’hui qu’Internet, fruit des projets dévastateurs des élites du monde occidental (et singulièrement du monde américain), sert les intérêts du peuple ? C’est bien le contraire qui se produit. Loin de promouvoir le rassemblement des citoyens, il les isole derrière des "écrans" (dont il faut se souvenir qu’ils sont étymologiquement des "grilles") ; s’il empêche heureusement les masses pleines d’ardeur de s’unir et de tout détruire, emportées par le flot de leurs instincts carnassiers, comme ce fut le cas dans les années 30, il fait des hommes des "individus-masse" (je suis l’auteur de ce néologisme), de vulgaires objets guidés, et même téléguidés par un pouvoir technique abêtissant dont on ne soupçonne pas encore la puissance.
Je dirai donc, comme l’écrivait Flaubert à Mademoiselle Leroyer de Chantepie le 16 janvier 1866, que "l’instruction du peuple et la moralité des classes pauvres sont des choses de l’avenir. Mais quant à l’intelligence des masses, voilà ce que je nie, quoi qu’il puisse advenir, parce qu’elles seront toujours des masses". C'est cette réalité dramatique, l'être-masse des hommes du XXIème siècle, que nous dénoncons dans cet article.

Sur la difficulté à concevoir l’essence d’Internet

L’erreur première que commettent tant d’admirateurs de cette nouvelle divinité -soit dit en passant, la plus oppressive et despotique qui ait jamais existé - est de croire en son innocence originelle, alors qu’elle ne fait qu’accompagner le déclin du lien social, le désintérêt pour la chose politique et le mépris de la culture proprement dite : en deux mots, la déshumanisation progressive des hommes.
La raison pour laquelle si peu d’internautes sont sensibles à cette réalité tient essentiellement à ceci : la succession - ou la juxtaposition - extraordinairement rapide des textes, des "scoops", des images, des sons, des vidéos, des idées, etc. Ce flux intense de stimuli divers et variés qui ne cesse jamais capte l’attention des individus en les arrachant véritablement à leur raison.
Au-delà de l’existence de ces informations qui volent en tous sens au gré du bon vouloir des serveurs et des "double-clic", il est presque impossible de réfléchir sur le sens d’Internet, tant il est incrusté dans la vie de l’"homme occidental", à tel point que certains entrent littéralement à l’intérieur de cette technologie pour y mener une autre existence (on pensera à "Second Life", cette fameuse trouvaille made in America, ou au film "Avatar", succès du "box-office", où l’idée d’une vie virtuelle ne choque même plus...).
L’essence d’Internet reste cachée derrière sa façon de requérir les esprits : Heidegger ne disait pas autre chose de la technique moderne dans La Question de la Technique : "Quand nous considérons la technique comme quelque chose de neutre, c’est alors que nous lui sommes livrés de la pire façon : car cette conception, qui aujourd’hui d’une faveur toute particulière, nous rend complètement en face de l’essence de la technique (...). L’essence se retire dans la mesure même où elle se dévoile pour faire place à l’étant".

Pourquoi la seule manière de faire renaître l’intérêt pour la politique passe par l’abandon d’Internet

Aujourd’hui, tout passe par Internet, et c’est pourquoi nous parlons de déclin de la civilisation. J’ai moi-même pendant un temps voulu faire l'expérience de ce média (à travers mes articles sur Agoravox) et j’ai vu l’ampleur de la catastrophe qui se prépare pour les générations à venir.
Je n’écrirai plus d’articles sur Internet, et je n’aurai de cesse de défendre la presse généraliste, qu’avale petit à petit ce monstre dont j’ai tenté de décrire le mode de fonctionnement. En prétendant favoriser la démocratie par la liberté d’expression (il faudrait plutôt parler dans ce cas de "libéralisation de l'expression") qu’il accorde à chacun, il a contribué à déconstruire le débat politique, de telle façon qu’un jeune citoyen ne voit plus guère de différences entre droite et gauche. Pétitions mises en ligne dans l’urgence, "lipdubs" débilitants, révélations nauséabondes, "off", "buzz" divers, blogs et forums démagogiques sont en 2010 la seule substance du débat politique en France et dans le monde occidental.
C’est ainsi que l’anarchie la plus complète et la guerre de chacun contre chacun sont aujourd’hui le lot de siècles et de siècles de civilisation, et cela du fait de l’invention qu’on disait la plus prodigieuse peut-être de tous les temps...
Cette Tribune s'achève aujourd'hui. L’exemple de mon itinéraire, fait d’oppositions à l’extrémisme politique et religieux, montrera, je l’espère, qu’Internet - et toutes ses implications idéologiques - n’est pas une fatalité pour l’Humanité.